ciao,
non so se in giro c'e' anche la versione italiana
erri de luca e' un grande :-§
ciao
carlo
-------- Messaggio Originale --------
Oggetto: [cesarelibre-infos] Déshonneur de la France, par Erri De Luca
Data: Wed, 5 Sep 2007 17:41:23 +0200
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Point de vue
*Déshonneur de la France, par Erri De Luca*
LE MONDE | 04.09.07 | 13h59 • Mis à jour le 04.09.07 | 13h59
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3232,36-951077,0.html
La France a été une terre d'asile pour les réfugiés politiques, les
exilés, les persécutés. Etre une terre d'asile est un devoir noble mais
grave. Il implique d'être généreux avec les faibles, les vaincus, et
inflexible avec les gouvernements qui réclament leurs corps pour les
mettre en prison.
Au mois d'août, la nouvelle France a été généreuse avec les forts, en
allant rendre hommage à domicile au pire président des Etats-Unis depuis
un siècle. La nouvelle France a été généreuse avec le désastreux Bush, à
la fin de son mandat, et elle a été inflexible avec les faibles, avec
les vaincus, avec ceux qui, depuis longtemps, s'étaient rendus et
avaient trouvé asile en France.
Il n'est pas question aujourd'hui de parole donnée par un président de
la République et révoquée par un autre. Il ne s'agit pas d'engagements
pris et rompus par la suite. Il s'agit en revanche de l'image de la
nouvelle France dans le monde. En l'espace d'un mois, elle a été ternie
par deux petits événements : l'hommage rendu au puissant et l'outrage à
l'hôte impuissant.
La presse italienne titre solennellement : "Arrestation des
super-fuyards politiques". Ils n'étaient pas et ne sont pas des
réfugiés. Depuis bien des années, ils étaient en fait les hôtes de la
terre et du gouvernement français. Ils ont des papiers en règle et sont
joignables à leur domicile.
En Italie, nous sommes habitués aux imprécisions volontaires de
l'information, généreuse avec les forts, impitoyable avec les faibles.
Mais c'est l'Italie, alors qu'il s'agit ici de l'image politique de la
nouvelle France. Et de ce qu'elle décidera à propos de citoyens plus
français qu'italiens désormais, au regard de leur durée de séjour, mais
aussi de leur insertion sociale et de leur mariage avec des personnes de
nationalité française, avec des enfants nés en France.
Laissez-moi vous dire à quoi ressemble la politique française de ce mois
d'août, laissez-moi vous le dire, et tenez-vous bien : elle ressemble à
l'image de la pire Italie. Celle qui, avec ses gouvernements successifs,
s'est mise au service servile des Etats-Unis, en suivant toutes leurs
entreprises militaires insensées, en faisant de mon pays une province et
de sa politique étrangère une série d'actes de soumission, au point
d'accéder à leur dernière exigence, le doublement de la base militaire
de Vicence.
Sans arriver à l'extrême servitude italienne, qui ne prévoit pas de
double clé pour ces bases, la nouvelle France a fait suivre un acte
d'hommage gratuit au seigneur de la guerre d'un deuxième acte qui
ressemble beaucoup à celui accompli par le gouvernement italien
vis-à-vis du chef de la résistance kurde Ocalan. Il l'a invité sur son
territoire et puis l'a expulsé en le remettant à ses ennemis. Si la
nouvelle France remet les réfugiés politiques à l'Italie, elle ne les
donnera pas à une justice plus que tardive, mais à ceux qui /"s'érigent
en juges sans cesser d'être des ennemis"/, comme l'a écrit dans un autre
contexte le juriste allemand Carl Schmitt. Ils ont été condamnés sur la
base de lois spéciales qui indignèrent la France d'il y a trente ans.
Oui, c'est une histoire vieille de trente ans. Mon pays, chroniquement
incapable d'en finir avec cette lointaine saison en décrétant une
amnistie, continue à persécuter des vaincus.
La France a droit à sa juridiction d'exception en matière de droits
humains. Elle est le seul pays d'Europe qui peut légitimement y
prétendre en tant que patrie des principes écrits de liberté, égalité,
fraternité. La fraternité est ce qu'il y a de plus difficile dans cette
trinité laïque. Que Londres garde jalousement sa livre sterling, qu'il
revendique son exception monétaire, mercantile. La France est fondée à
revendiquer une souveraineté indépendante en matière de droits et
d'asile. Elle l'a fait jusqu'à maintenant. Pourvu qu'elle ne décide pas
tout à coup de ressembler à l'Italie !
/Traduit de l'italien par Danièle Valin./
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*Erri De Luca* est écrivain.
Article paru dans l'édition du 05.09.07